Mexique touristique

D’Uruapan, je prends l’avion pour l’extrémité tropicale du Mexique: Cancun. Choix déterminé par le fait que depuis Cancun, j’aurai droit à un vol Air Transat vers le Canada. Ce n’est pas que les longs voyages en bus me déplaisent. Au contraire, c’est un répit agréable: impossible de chercher un sujet de film, impossible de faire du montage, juste du temps pour me mettre à jour dans mon blog. Le problème, c’est que ça raccourcit dangereusement les semaines. Donc, avion cette fois-ci ! 

Ces jours-ci, j’ai tendance à faire avancer les choses en pilotage automatique. Peut-être que je fatigue. Je fais ce que j’ai à faire, j’attends que ça passe. Je m’en rends compte quand s’ouvre la porte de l’avion à Cancun. C’est le soir. Une chaleur moite s’engouffre dans l’appareil. C’est la température de dehors, ça ? Pff, pas le courage. Toute une nouvelle réalité qui arrive à moi, à laquelle je ne suis pas préparé, encore un départ à zéro, encore un nouveau film. 

Ben, à quoi tu t’attendais ? A rien justement. Je n’anticipe plus. Pourtant, objectivement, quelle chance d’arriver (pour la première fois de ma vie) dans un climat tropical, avec tout à découvrir. Je culpabilise de manquer de courage. Je respire un grand coup.  Ca va passer. En plus, j’ai déjà trouvé une chouette couchsurfeuse, chez qui j’irai après une nuit à Cancun. Elle habite seule dans la jungle avec dix-sept chiens. Et le thème de la semaine est “vert”. Tout va bien.

Il est onze heures du soir, je marche dans les rues à la recherche d’une auberge ou d’un petit hôtel, je dégouline de transpiration. Je suis trempé de la tête au pieds. C’est pas qu’il fasse particulièrement chaud, mais il fait moite, lourd. 

Ici, c’est le Mexique touristique. Tout est prévu pour le touriste. Tout est en anglais. Je me sens un peu con d’être ici. Surtout après ma fantastique plongée dans le Michoacan. Bah, après tout, c’est une réalité comme une autre. C’est pas plus mal de se frotter à tout.

Je trouve une petite auberge où j’obtiens une chambre individuelle très propre, pour trois fois rien, avec un ventilateur de plafond juste au-dessus du lit. Y a juste que les draps sont plein de poils et de cheveux, j’avais déjà eu la blague dans un petit hotel pour ma première nuit à Uruapan. C’est là qu’on est content d’avoir un sac de couchage.

Center = centre commercial

J’avais oublié cette anecdote, il y a déjà plusieurs semaines, à un arrêt de bus à Fresno, en Californie. Je me renseigne auprès des gens qui attendent.

– Is it the good line to go to the city center ?

– I dont know.

– Euh the city center, Fresno ? 

– I dont know, ask the driver when a bus comes.

Autre tentative:

– Is this line going to the center ? 

– To which center ? 

– Beh The city center !

– I dont know. Where is it ?

– ?! Beh 

Soit les gens d’ici ne sont pas des lumières, soit il y a comme quelque chose qui m’échappe. Encore un essai:

– Is it the good line to go to the city center?

– I dont know that center.

– ?!?!

We are in Fresno, right ?

– Yes.

– So where is the city center ? 

– I dont know ! 
Is it downtown ?

– (Aaaaaaaah, ok !!!) 

Yes !! I want to go DOWNTOWN !

– Yes, that’s the line.

– (Alleluia)

Y avait comme quelque chose qui m’échappait.

Comme quoi, j’améliore mon anglais tous les jours.

Lucy

Je me rends à Akumal où habite Lucy, mon hôte Couch Surfing. C’est deux heures de bus depuis Cancun, sur une grand route, parallèle à la côte, et à un kilomètre de celle-ci. Tout le long, des entrées d’immenses complexes hoteliers. Les portails rivalisent de grandeur, d’extravagance. L’Arc de Triomphe peut aller se rhabiller ! J’imagine que c’est pour que les clients soient fiers de constater en arrivant qu’ils ont fait un bon choix dans le catalogue de vacances. Je suppose qu’ils ne franchissent ce portail que deux fois: en arrivant et en retournant à l’aéroport. 

Par contre, rien de tout ça à Akumal. Un petit hameau mexicain (c’est bête à dire, mais ça n’a pas l’air courant dans le coin) à droite de la grand route ; des hôtels et restaurants, à échelle beaucoup plus humaine, du côté de la mer. 

Je téléphone du hameau à Lucy. Là, elle n’est pas chez elle, mais elle boit un verre avec des amis, du côté touristique. Elle vient me chercher avec son truck rouge. Une femme fine, pétillante, grande chevelure blonde, en descend. Manifestement pas mexicaine. Présentations faites, elle me dit d’emblée qu’elle boit. – Sorry?! – I drink. – Ah?! Euh. Ok. 

Drôle d’entrée en matière. Nous retournons au café rejoindre ses amis. Deux ou trois couples… d’Américains, qui habitent ici toute l’année. Tous boivent volontiers. Pour passer le temps, qu’ils disent. Car il n’y a rien d’autre à faire, ici. 

Vous êtes sûrs qu’il faut rendre un film cette semaine ? :-S

Je comprends vite le tableau. Beaucoup d’Américains atterrissent ici pour leur retraite, pour les Caraïbes, son ciel bleu, ses palmiers, ses plages de sable blanc. C’est-à-dire ce qu’on nous vend dans les médias occidentaux comme référence absolue de paradis sur terre. Et puis ces gens arrivent, se rendent compte qu’il y a une saison des pluies, et qu’en-dehors des palmiers et des autres Américains, il n’y a pas grand chose d’autre à faire que les happy hours du café de la plage.

Bon, je caricature. Mais il y a de ça.

Nuançons.

Akumal est très différent des dizaines d’autres stations balnéaires de la Riviera Maya. Il s’agit d’un ancien centre de vacances, qui a été offert à une organisation écologique, le CEA (Centro Ecologico Akumal). Celui-ci occupe quelques uns des bâtiments, mais loue les autres à des hoteliers, des restaurateurs, et autres commerçants. Ce qui lui permet des rentrées financières considérables, et donc de développer d’importants projets environnementaux. De plus, cela garantit au lieu de conserver des proportions raisonnables, familiales, sympathiques. 

Les locaux qui travaillent là se sont installés de l’autre côté de la route, formant le “Pueblo”.

Les Américains qui sont venus s’installer ici sont en fait un peu victimes du développement incroyable que connaît toute la région. C’est un peu moins le paradis perdu qu’ils avaient découvert en pionniers il y a dix ou quinze ans. C’est maintenant bourré de touristes, d’autoroutes et de supermarchés. Ce qui n’est pas plus mal quand on vieillit, me confie Francis, un Belge un peu désappointé quand-même.

Lucy, quarante-cinq ans, ancienne pilote d’avion, n’est pas une riche retraitée. Une femme très volontaire, un peu ermite, qui s’est trouvé une vocation en visitant ses parents ici il y a quinze ans. Plusieurs chiens errants tournaient autour de la terrasse où elle mangeait, et elle s’est dit qu’elle devait s’en occuper.

Maman | novembre 19, 2008 @ 2:37 
C’est fatigant un voyage pareil. En plus que tu bouges tout le temps. On est éreintés. C’est peut-être pour ça qu’il n’y a plus beaucoup (plus du tout)  de commentaires sur ton journal. 

J’habite dans une palapa

La propriété de Lucy est à une bonne demi-heure de marche du Pueblo, à travers la jungle.

Bon, voici de nouveau une référence à la télé pas spécialement honorable, mais ma tête s’emplit de souvenirs quand je fais le trajet le premier matin: “Sur la piste de Xapatan”.  🙂

“Au coeur du Mexique, dans l’Etat de Sandwich-Potoci, se dresse un lieu mythique: Xapatan. C’est là que…” et puis je sais plus. C’était l’introduction du jeu télévisé qui a remplacé Fort Boyard sur France 2 le temps d’une ou deux saisons, vous vous rappelez ? Eh bien je ne sais pas si c’est la couleur de la terre, ou de la végétation, la densité de la jungle ou la forme du chemin, mais j’ai complètement replongé dans ce jeu que j’aimais beaucoup étant enfant (mais pas autant que Fort Boyard, bien évidemment  ). C’était présenté par Sophie Davant, vous savez, la petite blonde. Elle pilotait un gros quatre fois quatre, sur lequel se tenaient une demi douzaine de candidats. Le but était de rejoindre une grotte dans la jungle pour y prendre une statue maya, et d’aider la pauvre Sophie à se débarrasser des embûches que les Mayas dressaient sur le parcours du 4×4. Vachement colonisateur, comme synopsis, en fait… 

Ah oui, et les candidats avaient un carquois scratché sur leur dos, qui contenait un harnais de sécurité, indispensable pour faire le deathride à la fin du parcours. Ils ne pouvaient pas continuer avec les autres s’ils le perdaient… Qu’est-ce que c’était tiré par les cheveux ! Qu’est-ce que j’étais naïf ! Et réceptif, pour avoir retenu tout ça… Mais c’est étonnant, quand-même, que tout ça me revienne grâce aux inputs du lieu, euh… quinze ans après, ou quelque chose comme ça. (hé bé !)

Bref, tout ça pour dire que (et faudrait que je pense à renouveler mes formulations) j’ai fait le sentier avec la musique du générique de Xapatan en tête.

Je viens de le retrouver rien que pour vous (mon dieu, l’image que j’en avais en tête était mille fois mieux): 

Ok. No comment. J’étais gosse.  😀

Est-ce que le branché Müvmédia aura cette gueule-là dans 15 ans ? Rendez-vous ici même le 20 novembre 2023 pour en discuter. Je note dans mon agenda Google (vraiment !).

Lucy habite donc une maison qu’elle a fait construire au milieu de la jungle. Elle produit son électricité elle-même, et s’alimente en eau dans une cenote, c’est à dire une des nombreuses grottes du sous-sol de la région, qui est un vrai gruyère. (Un ancien fond marin, en fait. La région a émergé assez récemment dans l’Histoire géologique).

Lucy faisait souvent appel à des Wooffers, ces volontaires américains pour travailler dans des fermes écologiques, etc. Elle a pour eux (ou pour son couchsurfer cette fois-ci) un petit batiment adjacent à sa maison, une palapa. C’est à dire une maisonnette avec un haut toit traditionnel en palmes. Il a le grand mérite de conserver une température acceptable lors des saisons les plus chaudes, mais l’inconvénient de laisser passer les insectes… J’avoue avoir eu un peu de mal au début. Surtout dans les toilettes (sèches, on verse un peu de sciure dans la fosse au lieu de tirer la chasse). Pas agréable de baisser son pantalon entouré de lézards, d’araignées de taille assez respectable, ou encore de gros machins à carapace sombre dont je ne connaissais même pas l’existence. Mais on s’y fait. La moustiquaire autour de mon lit filtre une bonne partie de la population de la palapa. Même si je suis couvert de piqûres en tous genres. A un certain stade, j’arrive à faire abstraction et à me dominer pour ne plus me gratter. Ce que je trouve plus désagréable, par contre, c’est cette atmosphère humide. Mon essuie (serviette, s’il y a des Français qui me lisent), ne sèche pas d’un jour à l’autre. Mon lit aussi est perpétuellement humide. 

L’électricité est rationnée, et je dois bien calculer pour recharger mes appareils. 

Mais quelle expérience. En fait, j’aime bien !

Sans parler des dix-sept chiens. Moi qui ne suit pas un fan, j’ai appris à tolérer !

Tulum

– Oui, mais une plage comme ça, il faut en profiter.

– Oui, mais attends, si on va à la plage maintenant, après on n’aura plus envie de voir les ruines.

– Bah, c’est jamais que des ruines.

– On n’est quand même pas venues ici pour faire bronzette. Faut quand-même voir ces ruines.

– (gros soupir lourd de sous-entendus). Ok.

Les ruines mayas de Tulum sont à flanc de falaise. Le site comprend une plage sublime. J’observe la querelle typique d’amis en voyage ; là, trois françaises. L’horreur ? Eh bien, je les envie quand-même. Aujourd’hui, je me sens seul. J’erre entre les ruines sans vraiment apprécier, ici tout le monde est en groupe ou en couple.

… 

C’est drôle que je broie du noir dans des endroits pareils.

Ou peut-être que justement, c’est parce que j’aimerais partager cela avec quelqu’un.

En prenant cette photo, j’ai l’impression d’avoir vu cette image quelque part récemment. Peut-être dans un dépliant touristique ? Je réalise quelques jours plus tard que c’était sur le blog d’Anne, qui a foulé les mêmes sentiers que moi peu de temps auparavant ! On n’est pas très originaux dans nos destinations ! Il faut dire que c’est vaut la peine, et aussi que l’aéroport de Cancun tout proche nous permet une liaison gratuite vers le Nord.

Finalement, je trouve que ces ruines mayas-ci, à l’entrée du site, ont encore plus de charme.

woups, outre les touristes, y a aussi des indigènes, sur la plage…

Trade

Pas beaucoup de distractions le soir, au milieu de la jungle. Lucy, assez cinéphile, a une belle collection de DVD copiés, qui occupent ses soirées. Elle m’en passe quelques uns. Ca a du charme, de profiter de la fin de la batterie qui stocke l’électricité que Lucy produit avec du mazout pendant la journée, puis de la batterie de mon ordinateur, pour regarder un film sous ma moustiquaire, avant de n’avoir plus rien d’autre à faire que de dormir… 

Je suis très content d’avoir ainsi vu “Trade” étant au Mexique. Je regrette seulement de ne pas l’avoir vu à Mexico. En fait, je suis allé à Mexico sans savoir que c’était la plus grande ville du monde, et sans soupçonner la terreur qui règne dans les banlieues immenses (mafias, rapts, drogue, prostitution, …) ! 

Au moins, “Trade” m’ouvre les yeux. Par ailleurs, je trouve que la manière dont est filmée (et montée) la ville dans la scène d’ouverture (ci-dessous) est vraiment fidèle à la réalité, c’est vraiment l’atmosphère que j’ai ressentie. 

Ce film parle de la traite des femmes et enfants au Mexique et aux Etats-Unis. Le tout sous forme de road movie. Inutile de vous dire que j’étais à fond dedans en le voyant ici !

Un havre de paix pour les tortues marines

Akumal, en fait, ça veut dire “le lieu des tortues”. La qualité de la flore marine de la baie attire de nombreuses tortues vertes, ces majestueuses grands tortues comme dans Némo. 🙂

Le centre écologique d’Akumal, qui gère en fait une grosse partie de la petite station balnéaire a parmi ses différentes missions celle d’observer et recenser ces animaux en voie de disparition. Ainsi que de les aider à pondre, de surveiller les nids, et aider les bébés éclos de l’oeuf à rejoindre la mer.

Ainsi, à cette époque de l’année, plusieurs bénévoles s’organisent pour creuser dans le sable à l’endroit où sont enfouis les oeufs pour contrôler leur évolution. Armando est le responsable de ce programme. Les tortues ont toujours été une passion pour lui, et il a la chance d’en avoir fait son métier. Pour tenter de préserver l’espèce, on aide les  les bébés éclos de l’oeuf à sortir du nid et à rejoindre la mer, juste avant le coucher du soleil, pour échapper aux prédateurs. C’est fascinant de voir comme ces bébés tortues sont programmés pour traverser la plage et rejoindre la mer dès qu’ils sont sortis de l’oeuf. Ils savent exactement ce qu’ils ont à faire !

David, du Centre, m’emmène faire du snorkling pour observer les tortues (adultes!). C’est une première pour moi avec un tuba, c’est vraiment une chouette expérience ! 

Voilà une de ces fameuses tortues vertes, leur carapace fait plus ou moins un mètre de long. Par respect pour le matériel de Müvmédia, je ne l’ai pas pris avec moi sous l’eau, mais c’est exactement ce que j’ai vu. 😛

Ci-dessous, David, qui m’a initié au snorkeling. (Faire des documentaires, c’est souvent un beau passe-droit !)

http://www.ceakumal.org/

Jour de deadline

Je suis dans ma palapa. Jai décidé de faire mon film sur Lucy. Reste quelques heures pour terminer mon montage. J’ai pas de film, pas d’histoire. Je cherche désespérément une idée pour relever tout ça. Rien. J’en ai marre. Je veux m’échapper. Chaque petite pause, petit prétexte de procrastination passe trop vite. La perspective d’aller remplir ma bouteille d’eau, par exemple, ça me semblait salvateur. Je suis allé remplir ma bouteille d’eau, c’est déjà fait. Bon. Faut se remettre à faire un super film en quelques heures avec un sujet faible et des images faibles… Noooooooooon. 🙁

  C’est qu’un jeu, après tout. J’ai tendance à l’oublier.

[FILM ETAPE 9] Rêve vert

Lucy vit seule depuis dix ans dans la jungle mexicaine avec de nombreux chiens. Une vocation qui exige des compromis. Pour la vie ?

Thème imposé : Vert
Lieu : Akumal, Mexique
Mon état moral : 7/10
Hébergement : J’ai passé la semaine chez Lucy, dans la palapa à côté de sa maison.
Inspiration : En cherchant sur Couchsurfing, je suis tombé sur le profil de Lucy, vivant dans la jungle. Je me suis dit que ça devait être un bon endroit pour trouver un sujet de film sur le thème « vert ».


RESULTATS DU JURY
Bram Van Paesschen: 12/20
Le film ne décolle pas assez vite pour moi. Mais la fin m’a beaucoup plus. Surtout le dernier plan. Pour moi c’est le fort de Jean-Baptiste : pouvoir suggérer – souvent – d’une manière humour-sec toute une histoire.

Emmanuel Gras: 13/20
Pendant l’émission j’ai précisé que, faute de sous titre, des choses m’avaient peut être échappé dans le propos du film. Ce n’est pas vraiment le cas, mais disons que ce que j’avais senti comme une tendance intéressante (portrait qui part à la dérive) était véritablement le sujet du film qui en ce sens était abouti. Bref, je suis désolé, Jean Baptiste, mais j’ai un peu sous noté ton film qui est très bien.

Pascale Bussières: 15/20
Personnage intéressant mais qui ne révèle pas grand chose. C’est assez pudique même si on devine une brisure chez cette femme seule dans la forêt tropicale. Ca reste convenu dans la forme.

Note finale: 40/60

reuben1976 - 25 nov. 2008
La fin est intéressante et relève un peu l'ensemble, merci. Reuben

Anne-Marie M. - 25 nov. 2008
Elle a l'air assez dérangée, en effet!!! Par contre, ça a l'avantage de rythmer le tout. C'est vivant et ça bouge! Elle est courageuse la Lucy.

Vince - 24 nov. 2008
Encore un PERSONNAGE ! Le film arrive assez bien à retranscrire l'aspect marginal et décalé de la protagoniste. Le montage est bien rythmé lorsqu'elle est à l'image. Seul bémol, JE trouve que le passage "panne de courant" porte préjudice et casse le rythme visuel. Deux plans retiennent particulièrement mon attention et semblent refléter le film en général : celui où elle fait appel aux dons et à l'adoption et le dernier où JE ressens qu'elle est déjà parti de cet endroit et ses chiens en restent muets. Bon travail.

jean denys tytgat - 24 nov. 2008
vous avez la chance de rencontrer des gens incroyables en visionnant une seconde fois je que j aurais du mettre une etoile de + sorry

M - 24 nov. 2008
J'ai bien aime les variations de rythme dans la sequence des images. Au debut, plutot tranquilos, puis, soudainement hop! un vrai feu roulant d'images! Ca collait bien au personnage et a l'ambiance de la jungle qui peuvent (ou semblent) etre si calmes et si explosives a la fois.

>> Suite: étape 10 – Chicago

Chicago

Atterrissage à Chicago à la tombée du jour. Dans l’aéroport, de grands panneaux partout avec le slogan « We are glad that you are here ». C’est con, mais ça me fait plaisir. Je suis dans l’euphorie dune nouvelle semaine qui commence. Je sais même déjà le film que je vais faire: celui sur l’auberge. Et je vais simplement me poster à l’accueil et filmer ce qui s’y passe. C’est très agréable de savoir que je vais pas devoir me creuser la tête. 

Arrive la douane. Je l’avais oubliée, celle-là. Une très longue file d’attente. Puis un policier pas spécialement sympathique. Je comprends pas ses questions. Il parle dans sa barbe, et l’accent a lair différent ici. Il dit sèchement qu’on va avoir un problème si on ne peut se comprendre. J’aimerais lui dire que le problème pourrait facilement être résolu sil articulait un rien. 

Dans le métro, un type me pose une question que je ne comprends pas. Quand je lui demande de répéter une deuxième fois, il me tourne le dos avec un rictus et s’adresse à quelqu’un d’autre. Première constatation sur Chicago, donc : vive la politesse.

Encore pareil à l »auberge. Une dame black en boubou est à l’accueil. Elle soupire quand je ne comprends pas les questions. El’e répète de manière condescendante, comme si j’étais un sous-homme. C’est désagréable.  Mais je constate vite que les gens n’en sont pas pour autant fondamentalement mauvais.  🙂 Elle me dit quelle aime bien mon prénom, et veut apprendre à le prononcer. Les jours suivants, elle me salue en français, bonjour Jean-Baptiste. 

Je ne sais pas si c’est la peur des inconnus, ou juste une carapace culturelle, mais d’autres rencontres confirment cette première impression. Les gens sont très, très froids au premier contact. Pas tous, évidemment. Mais souvent.

J’adore la ville. C’est ici qu’on trouve les plus premiers gratte-ciels. Ils ont un certain cachet. Ils sont témoins dune autre époque, ou sont marqués par le temps, et cela confère du charme à l’ensemble. En plus, downtown, où est l’auberge, il y a le métro aérien et sa loop. Lui aussi très, très vieux, il fait un bruit de montagnes russes, un fracas impressionnant, on se demande si toute cette installation va tenir bon.  Les différentes lignes se rejoignent comme dans un rond-point, en formant une boucle qui emprunte les rues du centre. 

Le directeur de l’auberge m’invite à dîner. (J’avais hésité, mais jai donc bien fait daller me présenter formellement à son bureau pour lui expliquer le projet. :-P) Cet ancien businessman est impliqué dans l’auberge depuis sa création il y a quelques années. Il a été séduit par ce projet non lucratif, et développe au maximum les activités sociales dont je parlerai plus loin. En fait je ne connaissais pas encore la noble vocation des auberges de jeunesse HI.

Thomas, c’est son nom, m’apprend plein de choses sur l’architecture urbaine de Chicago (il est administrateur dune organisation patrimoniale). Notamment sur les hésitations et tentatives des premiers architectes de gratte-ciels. Comment dessiner les façades de bâtiments alors au moins trois fois plus grands que leurs prédécesseurs ? Question qui nous semble naïve aujourd’hui, mais qui était fondamentale à l’époque. D’abord, ils ont créé des buildings avec trois looks différents, comme si on avait empilé trois immeubles traditionnels. Puis ça s’est affiné, ils ont veillé a avoir une base, un corps, et un sommet. Ensuite est arrivé le formalisme que l’on connaît: des parallélépipèdes parfaits. 

A droite, le Manhattan building. © Jeremy Atherton, 2006.
Oli | novembre 23, 2008	@ 7:56
Waouh! JB, ça donne envie!!
Je relis une bonne partie de ton journal et je trouve incroyable comme tu as évolué pendant ces 4 moisQuelle expérience, je trouve ça génial!
Vivement ton retour!!
Bizz
Oli

alice (la femme de cyp) | novembre 25, 2008	@ 1:44
slt jb
ca fait un petit moment que je nétais pas venue sur le blog (un petit manque de temps) mais c tjs un plaisir de lire ton blog. tu as lair dapprécier ton expérience tu as dit que tu oubliais parfois que ce nétait quun jeu à mon avis pense plutot que cest une chance de vivre ce voyage et le reste viendra peut etre
allez gros bisous de belgique
et à tres bientot

Hostelling International Chicago

Les sujets ne manquent pas à l’auberge de Chicago. Même si Thomas, le directeur, me dit d’emblée que je ne peux pas passer à côté du sujet du moment: la soirée électorale à Grant Parks, à deux blocs de l’auberge, où Obama fera son apparition triomphale (ou pas). (Bon, on sait que si, maintenant, désolé pour ce retard dans mon blog). Ce sera la veille de la dead line, mais ce sera quand même le sujet que je choisirai finalement.

C’est une très grande auberge, un beau bâtiment ancien. Elle compte 500 lits en haute saison. Le reste de l’année, les chambres des étages supérieurs sont louées à des étudiants. 

Outre la rencontre entre voyageurs de partout, sa vocation est une ouverture sur le monde pour les habitants de Chicago. « We bring the world to Chicago. »

Ainsi, des programmes sont proposés aux écoles secondaires pour s’immerger dans l’auberge. A force, je ne le réalise plus, mais une auberge de jeunesse est un formidable endroit de mixité internationale.

Chaque semaine, une classe secondaire de Chicago vient dormir, et préparer un repas gratuit pour les clients de l’auberge qui le désirent. Un repas traditionnel dun pays étranger sur lequel la classe a travaillé. La Corée du Sud ce mardi. Les élèves doivent ainsi cuisiner, mais aussi préparer une présentation du pays, avec un powerpoint. Ils ont aussi des jeux pour se familiariser avec l’auberge et pour accoster des voyageurs. Par exemple: trouver quelqu’un qui joue à la pétanque/qui parle trois langues/qui sait quelle est la capitale de lIslande/etc.

Pour les voyageurs dont je suis, c’est aussi une super opportunité de rencontrer des jeunes du coin. Dans ce contexte, c’est même eux qui sont censés venir à moi, c’est intéressant. 

Leur présentation de la Corée du Nord est aussi intéressante. Pas tant pour le contenu qui ressemble fort à un rapide copier/coller de Wikipedia, mais pour leur éloquence. Ces jeunes de seize ans s’expriment étonnamment bien en public. Tous les élèves de la classe parlent bien, fort, avec aisance. C’est loin d’être comme ça en Belgique. Par contre, je trouve que le contenu est fort simple et fort court pour des gens de cet âge-là.

Jen parle avec un Français juste après, qui avait exactement pensé la même chose.

L’auberge propose des activités gratuites pour les résidents. Ce sont des volontaires locaux qui proposent des sorties, comme, aujourd’hui, la Halloween Parade, où ils emmènent les intéressés.

Comme je suis là pour faire un film sur l’auberge, tant qu’à faire, je me laisse aussi tenter par un cours de salsa où un autre guide de l’auberge emmène les intéressés. Et, un autre jour, je me joins à une sortie dans un bar à tapas. Deux rencontres surprenantes ce soir-là dans le groupe. On est une petite dizaine. Et j’en connais deux indirectement. D’abord, Nicole. Elle était à l’auberge de jeunesse de Montréal en même temps que nous les Müvmédiens ! (elle avait rencontré les autres.) Quelques minutes plus tard, je fais connaissance avec Sonia, une Belge. Elle travaille dans la petite entreprise familiale Ice Concept, près de Liège, pour qui j’avais fait une petite vidéo, il y a quelque mois. C’est pas nouveau, mais : que le monde est petit 🙂

maman | novembre 26, 2008	@ 11:04
bonjour jb on t attend pour aller en ville. ca t interesse? sns gsm c est difficile d ecommuniquer et aussi avec ce foutu clavier qwerty. appelle a l hotel ou reponds tout de suite

Linda

J’apprends que Linda, la réceptionniste de l’auberge de Chicago, travaille là certaines nuits. Je décide de faire son portrait. Je pense que ça peut être intéressant de passer la nuit avec ce personnage que j’avais trouvé ambigu. 

Mais elle me prévient d’emblée, la nuit, il ne se passe rien. Qu’importe, pensè-je, le grand documentariste que je suis va capter ce rien de la nuit pour en faire un film 🙂

Eh bien non, évidemment. Ca ne va pas. Je ne vois rien à filmer. Linda étudie un manuel de cours pour devenir hotel manager. Mais c’est tout. Juste à un moment, vers minuit, un groupe de quatre jeunes Sud-Américains débarquent tout contents d’avoir trouvé l’auberge. Mais Linda, sur un ton monocorde :

– I’m sorry, I dont have male beds available. 

Celui des jeunes qui parle anglais attend que Linda continue. Linda répète.

– I dont have male beds available.

– So? 

– You keep asking me, but all I can say is that I dont have male beds available.

– But we dont have any place to go. Hotels are very expensive, here.

– Yes, I know. But I cant do anything for you.

Silence. Le jeune homme garde son regard suppliant.

Linda soupire et descend de son tabouret. Elle prend une feuille dans un présentoir et la lui tend. C’est la liste des auberges les plus proches. Mais finalement, elle prend son téléphone et téléphone elle-même. Elle leur explique comment s’y rendre. Puis elle leur donne une carte de visite de l’auberge. 

– Call me if you get lost.

C’était une scène magnifique. Linda la dure, la sèche, qui dun coup devient une vraie mère pour ces jeunes perdus dans la grande ville. Je l’adore. 

Mais je ne filmais pas.

Linda

J’aurais aimé lui demander d’où elle vient, pourquoi elle porte des habits traditionnels africains (je n’ai vu personne d’autre le faire ici). Je suis partagé entre le fait de prendre les gens pour ce qu’ils sont au moment présent, ou m’intéresser à leur passé, leurs origines. Qu’est-ce qui serait le plus agréable pour elle ? Moi, j’aime exister pour ce que je suis là maintenant que pour d’où je viens ou mon background. C’est cool quand les gens s’intéressent à moi quand je leur parle de Müvmédia, mais je ne suis pas que Müvmédia ! Parfois, c’est comme si subitement les gens me regardaient différemment avant et après que je leur explique que je participe à une émission télé. Bon, c’est cool, bien sûr, mais je suis toujours la même personne. Suis-je insipide en-dehors du fait d’être un Müvmédien ? 

Bref, tout ça pour dire que 🙂 je ne pose pas de question à Linda sur ses vêtements, Linda nest pas que ses vêtements, on doit déjà assez lui demander comme ça. 

Il ne se passe plus rien. Je m’endors presque, derrière ma caméra, en attendant qu’il se passe quelque chose. Je décide d’aller dormir.

Jogging à Grant Park

Je m’étais promis daller courir tous les jours pendant Müvmédia, mais je ne l’ai encore fait que quelques fois. Pourtant, qu’est-ce que ma journée est meilleure si je l’ai commencée par une demi-heure de footing. Quand je commence vraiment à déprimer parce que j’ai pas de sujet, ou que j’ai besoin d’un petit électrochoc pour me changer les idées, je vais courir. Cest ce que je fais ce matin à Grant Park.

Quand je vais courir, j’écoute de la musique, c’est beaucoup plus entraînant. En fait, toujours les quelques mêmes morceaux qui se trouvaient dans mon téléphone à mon départ.

Connaissez-vous Antony and the Johnsons ? C’est une amie qui m’en avait parlé, j’avais téléchargé, mais pas du tout aimé à la première écoute. Je ne sais plus comment ces morceaux se sont retrouvés dans mon téléphone. Et là, je suis obligé de les écouter tout le temps puisque je nai qu’une dizaine de titres pour toute musique avec moi pendant Müvmédia.

Eh bien, Hope there’s someone, mais c’est un des plus beau morceaux au monde. Quand la fin, instrumentale, commence, j’ai chaque fois la gorge qui se noue. Même en courant.

Je vois les préparatifs pour la soirée électorale. C’est ici qu’aura lieu le meeting d’Obama ce mardi soir. Le cadre est superbe. L’air est très vif, léger. Les buildings qui bordent le parc sont majestueux. Et il règne ici une ambiance de nouvelle ère. Si Obama gagne, ce sera énorme. Je suis en train de courir dans un endroit et à un moment qui va probablement marquer l’Histoire. C’est vraiment the place to be, ici, en fait. La face du monde va changer à partir du discours qui sera prononcé ici. Je ne peux pas passer à côté pour mon film. Ce serait ridicule.

Il ne me reste qu’à trouver une manière de combiner Obama et « auberge espagnole »… C’est pas gagné. Mais je le sens. C’est trop énorme pour ne pas le faire.

C’est peut-être l’endomorphine qui me gagne, mais tout me parait tellement évident. Je suis bien.

 

Oli - décembre 1, 2008 @ 18:37
Haaa mon cher JB,
Sache que ce cher Antony sort son 2ème album début 2009, ça me fera plaisir de pouvoir lécouter avec toi!