Tiens, où est mon ordinateur ?

Premier aperçu des Etats-Unis à Seattle. La gare des bus est assez sinistre. Vieux système, mal entretenue. On se croirait dans un pays d’Europe de l’Est il y a quinze ans. Je suis surpris de constater que toutes les indications sont en anglais et en espagnol. Je pense à la Belgique, où le bilinguisme semble tellement douloureux en-dehors de Bruxelles, alors que le pays compte deux et même trois langues officielles. La salle d’attente est très animée malgré l’heure tardive, et la file pour mon bus en correspondance va jusque dans la rue. Mais tout le monde y trouve place quand il arrive enfin. Il y a tous les âges, toutes les classes (en tous cas à en juger par les vêtements, qui vont du carrément pouilleux au tiré à quatre épingles), toutes les couleurs de peau. Une fois installé dans le bus, tout ce melting pot est étrangement silencieux, les gens sont distants les uns avec les autres, comme pour se préserver un espace vital virtuel malgré la proximité physique.

Le matin, par contre, après une halte petit déj dans un snack au bord de la route, les gens commencent à discuter. Comme si la nuit passée ensemble à bord du même navire nous avait rapprochés. Nous sommes entrés au Montana, et les paysages sont magnifiques. De grandes vallées de cônifères, on croise régulièrement la voie ferrée qui serpentent entre les collines, et sur laquelle circulent à vitesse réduite des trains de marchandises interminables, sortis d’un autre âge. C’est vraiment très beau. Je me sens bien. Moi, seul loin de chez moi, rien d’autre à penser autre que découvrir, juste vérifier que mon sac à dos suit bien dans la soute à bagages, et que j’ai ma caméra et mon ordinateur avec moi dans le bus.

Tiens, au fait, où est mon ordinateur ? Petite sueur froide. Je vérifie à mes pieds. Dans le porte bagage. Encore à mes pieds. Encore dans le porte bagage. Je réfléchis très vite. Je me dis que c’est toujours comme ça, on se fait des frayeurs pour rien et puis on retrouve toujours ce qu’on cherche juste à côté. Eh bien là, non. Y a un post it virtuel attaché dans mon cerveau qui passe subitement devant mes yeux: « ne pas oublier l’ordinateur sur la chaise d’à côté »… Et merde. Je l’ai oublié dans le snack. Merde, merde. Je respire un grand coup. La fille assise derrière moi voit mon énervement et me demande si j’ai oublié quelque chose. Et de fil en aiguille, tout le bus est au courant et me suggère des solutions. On me prête un téléphone, quelqu’un me donne le numéro des rensigenements, quelqu’un d’autre se souvient du nom de la ville, un autre du nom du restaurant, et ainsi de suite. J’apprends avec soulagement que mon ordinateur est retrouvé et en de bonnes mains.

Arrivé à Missoula, la ville suivante, je m’arrange pour que le responsable du restaurant, qui l’a reçu d’un serveur, le confie à la pompe à essence toute proche, dont le tenancier devra le donner au chauffeur du bus du soir, qui devra le rapporter à Missoula, où je l’attendrai avec impatience, et surtout en croisant les doigts, parce que ça fait beaucoup d’intermédiaires ! Après une journée assez stressante à poireauter dans la ville (très belle, au demeurant), j’ai envie d’embrasser le chauffeur du bus du soir quand il fait apparaître mon ordinateur hors de son sac.

Arrivée du bus qui devrait avoir le laptop (son)

 

marianne | septembre 15, 2008 @ 7:43
Episode palpitant et donc bien écrit !!! on a soi-même aussi des sueurs froides en le lisant!!!

Gene | septembre 15, 2008 @ 15:15
Djeebee,
SUPER GAI mais alors là SUPER GAI de lire ton blog!
CONTINUE !!! (par rapport à tes doutes sur le fait de ‘blogger’ dans un premier recit..)
on a un peu l’impression d’être avec toi, juste assez pour t’envier, mais en même temps se rendre compte qu’on est cool de savoir où on va loger ce soir, ce qu’on va bouffer, et qu’on ne sera pas seul. Quoique ne pas savoir de temps en temps.. .. ..
J’espere que tu vas bien - et ca en a l’air.
Mets t’en plein les yeux!
On t’attends avec impatience a Bruxelles (pas seulement pour les anecdotes epicees)